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Enquête sur les revenus des auteurs autoédités

INTRODUCTION


La présente étude a pour but d’offrir un aperçu des revenus des auteurs autoédités francophones pour 2019 et 2020. Aucune étude de grande envergure n’existe sur le sujet, et les auteurs eux-mêmes ignorent ce que peuvent représenter leurs revenus par rapport au nombre grandissant de leurs collègues. Il s’agit donc d’éclairer la situation, non de prétendre s’ériger en référence. De plus, cette enquête n’a pas pour but d’entrer dans une polémique vis-à-vis de l’édition dite « traditionnelle » (comprenez surtout l’édition à compte d’éditeur). Les chiffres proposés à titre de comparaison servent à éclairer des situations, non à prétendre qu’un statut est préférable à un autre.


CADRE DE L’ENQUÊTE


Entre janvier et février 2021, un formulaire Google forms a circulé sur les réseaux sociaux (Facebook, Instagram) et par mail pour interroger de manière anonyme les autoédités (abrégés désormais sous le terme de « AE ») sur leurs revenus. Les groupes Facebook d’auteurs et la communauté Bookstagram ont été ciblés, de même que le plus grand nombre possible d’auteurs dans le top des ventes Amazon, plateforme très propice à l’AE Le bouche-à-oreille a fait le reste, et nous remercions tous les auteurs d’avoir joué le jeu.

Au total, 130 auteurs AE francophones ont répondu à l’enquête, la plupart vivant en France. Nous reviendrons par la suite sur leur profil.


Qu’est-ce que l’AE ?


L’autoédition est un système par lequel un auteur maîtrise de A à Z la chaîne du livre. Non seulement il écrit, mais il se charge aussi de la correction, de la mise en page, du choix de la couverture (bien souvent en payant lui-même des professionnels ; correcteurs et illustrateurs sont ses meilleurs alliés), mais également en assurant la publication et la promotion. Par conséquent, il choisit et paie lui-même son imprimeur et choisit ses canaux de distribution/diffusion éventuel(s). Nous n’allons pas entrer dans le détail, mais en résumé, l’auteur assume le risque économique. Bien souvent, il ne possède pas la force de frappe des maisons d’édition et est absent en librairie (il y a des exceptions, notamment grâce à des programmes proposés par des plateformes, avec bien souvent des frais en plus).


L’édition traditionnelle, aussi dite « à compte d’éditeur » est la mieux connue : l’auteur signe un contrat d’édition avec une maison d’édition. Contre un certain pourcentage (dans sa dernière enquête, la SCAM mentionne un taux de rémunération de 5 à 15 % du prix public hors taxe de l’ouvrage, avec un taux moyen de 8,2 %[1]), l’auteur cède ses droits. L’éditeur va dès lors se charger de la publication du manuscrit et de sa distribution (éventuellement sa diffusion), sans demander un seul centime à l’auteur. C’est donc la maison d’édition qui prend tous les risques financiers.


L’édition « à compte d’auteur » propose également un contrat à l’auteur, mais la structure lui réclame de l’argent en contrepartie (payer la couverture, acheter un minimum d’exemplaires…). La communauté des auteurs (qu’ils soient AE ou non) tend à fuir ce genre de procédés, qui dissimule nombre d’arnaques.

Voici les trois grandes tendances de l’édition. D’autres existent, bien entendu, mais ces éclaircissements permettent de mieux comprendre où se situe l’autoédition, parfois confondue à tort avec l’édition à compte d’auteur.


Dans cette étude, nous présenterons d’abord la répartition des revenus des AE, avant de proposer une analyse plus détaillée de différents facteurs pouvant influencer ces revenus.


I] Chiffre d’affaires des AE en 2019 et 2020


Le chiffre d’affaires ici mentionné constitue le total des ventes perçues par l’auteur (donc sans la TVA et sans les retenues des intermédiaires éventuels comme les libraires ou les plateformes de vente en ligne).


Situation en 2019


Sur les 130 auteurs francophones interrogés, 80 possédaient au moins un livre autoédité en 2019. Les autres n’ont commencé à publier qu’en 2020.


N = 80


82,50 % des auteurs interrogés capitalisent moins de 20 000 euros sur l’année 2019 et 67,5 % n’atteignent pas les 5000 euros. Notons toutefois que parmi les 54 auteurs qui gagnent moins de 5000 euros, 15 sont dans l’autoédition depuis moins de 6 mois.


Les auteurs ayant plus de 20 000 euros publient tous des livres depuis (au moins) le 1er janvier 2019, et nous avons donc 6 auteurs dont le chiffre d’affaires dépasse les 60 000 euros.


Situation en 2020


Les données récoltées concernent cette fois les 130 auteurs.


N = 130


Les chiffres ressemblent à ceux de l’année précédente : 83,85 % des auteurs interrogés ont perçu moins de 20 000 euros en 2020. Parmi eux, 88 auteurs (67,69 % du total des auteurs interrogés) ont touché moins de 5000 euros. Ces chiffres doivent toutefois être mesurés par le fait que seulement 48 de ces auteurs publiaient depuis le début de l’année 2020. 25 auteurs de cette tranche de revenus publient depuis moins de 6 mois.


Comparaison


Établir des comparaisons s’avère compliqué, vu le peu de données à disposition.


Néanmoins, une étude similaire à la nôtre a vu le jour sur le groupe Facebook 20BooksTo50K, réunissant plus de 50 000 membres. 1723 auteurs AE de langue anglaise ont répondu à une enquête concernant leur chiffre d’affaires en 2020 (donc avant déduction des frais et de l’imposition). Notons au passage que le lectorat anglophone est plus large que le francophone. Nous ne jouons donc pas dans la même cour, et la concurrence est plus rude.



Figure 1 : groupe Facebook 20BooksTo50K, post du 2 avril 2021


N = 1723


Les chiffres sont globalement semblables aux nôtres pour la tranche la plus basse : 80% des auteurs ayant répondu touchent moins de 10 000 euros, comme c’est le cas pour environ 70% de notre étude.


Néanmoins, 98 auteurs bénéficient d’un CA entre 10 000 et 49 000 euros et 14 gagnent plus de 100 000 euros avec un auteur best-seller dépassant les 500 000 euros. Comme le soulignaient les membres en commentaires de la publication Facebook (post du 2 avril 2021), il est fort probable que les AE figurant dans les tops des ventes n’aient pas vu passer l’enquête. C’est également un biais non négligeable à prendre en compte dans notre étude.

Les chiffres le montrent : une minorité d’auteurs gagne bien leur vie de la publication de leurs romans autoédités.


Qui sont-ils ? À défaut de révéler leur identité (pour rappel, cette enquête est réalisée sur une base anonyme et déclarative), nous pouvons établir un profil et creuser certaines pistes. Avant cela, quelques chiffres sur l’édition traditionnelle.


Que représentent ces chiffres par rapport à l’édition traditionnelle ?


Avertissement : il ne s’agit pas de critiquer l’édition traditionnelle, seulement de mettre en perspective des données.


En 2015 est parue une vaste enquête sur les revenus des auteurs français. Les chiffres qui y sont développés concernent l’année 2013 et donnent déjà un aperçu. Sur 101 600 auteurs différents recensés en France, environ 5000 auteurs étaient affiliés à l’AGESSA[2]. Pour permettre cette affiliation, les revenus annuels concernant les activités d’auteur devaient être supérieurs à 8 649 euros. Le revenu médian des affiliés était de 22 315 euros. Attention, ce calcul prend en compte les auteurs qui gagnent des millions et ne signifie pas que tous les auteurs gagnent en moyenne 22 315 euros.


Pour être bien explicite, voici les cinq auteurs les mieux payés de France selon un article de 2017[3].


Guillaume Musso – 2,8 millions d’euros.

Marc Levy – 1,7 million d’euros.

Michel Bussi – 1,4 million d’euros.

Laurent Gounelle – 670 000 euros.

Françoise Bourdin – 580 000 euros.


On comprend donc à quel point la moyenne peut être biaisée. En effet, un grand nombre d’auteurs ne gagnent pas ces 22 315 euros[4].



Figure 2 : Montant total net issu de la vente et de l’exploitation des œuvres parmi les affiliés de l’AGESSA en 2013 (Source : actualitte.com)


En 2013, moins de 5 % des auteurs français gagnaient un minimum de 8649 euros. Si on se réfère au diagramme ci-dessus, il y aurait donc eu 965 auteurs en France gagnant plus de 30 000 euros, soit 0,95 % des auteurs français qui pouvaient « vivre »[5] de leur plume. Néanmoins, ce que la plupart des articles ne mentionnent pas est que les 5000 auteurs affiliés à l’AGESSA sur lesquels se basent ces calculs comprennent aussi les illustrateurs et les traducteurs. Si on retire ces derniers, il n’y aurait donc que 2580 écrivains affiliés[6]. Les chiffres sont donc encore plus bas.


Cette étude date un peu, mais les professionnels se rejoignent sur le fait que la situation ne s’est pas améliorée. Selon le 8e baromètre de la SCAM en 2021, presque la moitié des auteurs connaît une détérioration de leurs revenus d’année en année. Pour 65 % d’entre eux, les revenus liés à leur activité d’auteur représentent moins de 25 % de leurs revenus annuels, soit une baisse de cinq points par rapport à 2018[7].


Un article de 2019, basé sur des données de 2016-2017, souligne, quant à lui, une moyenne de 5318 euros par auteur (recouvrant encore de larges disparités), calculée sur base du nombre d’auteurs recensés en France (88 000), et le versement total des droits d’auteur par les éditeurs. Ainsi, seulement 12 000 auteurs recevraient plus de 8000 euros par an, les 2/3 des auteurs exerçant une autre activité à titre principal pour survivre[8]. Cependant, il n’est pas possible d’assurer que davantage d’auteurs touchaient plus de 8 000 euros qu’en 2013, puisqu’il s’agit d’une moyenne et que nous ne disposons pas des chiffres de l’AGESSA.


Si le lecteur souhaite comparer les chiffres de cette enquête avec ce que gagnent les auteurs dans l’édition traditionnelle, il convient dès lors de ne pas prendre en compte le CA, mais le bénéfice brut (voir tableaux ci-dessous).


En effet, l’auteur publié à compte d’éditeur reçoit des droits d’auteurs sans avoir à payer la correction de son livre, son impression, la couverture, etc. Les chiffres ne sont pas encore tout à fait exacts, car l’éditeur retire un précompte (donc de l’impôt) avant versement des droits à son auteur, alors que l’AE le fait par après. Néanmoins, l’auteur édité à compte d’éditeur doit tout de même encore de l’impôt par la suite et, dans certains cas, selon les profils, des cotisations sociales.


Dans cette étude, nous utiliserons comme base de comparaisons le CA des AE, puisque tous ne possèdent pas les mêmes frais (par exemple, pour la promotion, sur laquelle nous reviendrons).


S’entend dans cette étude :


Le chiffre d’affaires constitue le total des ventes perçues par l’auteur (donc sans la TVA et sans les retenues des intermédiaires éventuels comme les libraires ou les plateformes en ligne de vente).


Le bénéfice brut, soit le chiffre d’affaires déduit des frais (correction du livre, impression, réalisation de couvertures, publicité, déplacements en salon…)


Le bénéfice net, donc ce qui a vraiment servi de salaire à l’auteur. Y sont déduits les cotisations sociales et l’impôt.


Comparaison CA/Bénéf brut/bénef net

Lecture du tableau : 48 auteurs ont perçu moins de 500 euros en 2020 (soit 36,92 % des auteurs interrogés dans l’enquête). 64 auteurs ont bénéficié d’un bénéfice brut de moins de 500 euros (soit 49,23 % des auteurs interrogés)… etc.


II] Pistes de ces succès


Différents profils


Parmi les 130 auteurs ayant participé à l’enquête que nous avons menée, 109 proviennent de France, 7 de Belgique, 6 du Canada, 2 des USA et certains d’autres pays comme de Suisse, d’Allemagne, d’Israël, d’Angleterre, de Saint-Martin, ou d’Afrique du Sud.


83 auteurs possèdent une autre activité professionnelle à côté de l’écriture, contre 47 auteurs qui ne se consacrent qu’à leurs romans. C’est le cas de tous ceux qui dépassent un CA de 40 000 euros sur l’année 2020. 3 des 8 auteurs gagnant entre 20 000 et 30 000 euros exercent également une autre activité, ainsi qu’un des 3 auteurs gagnant entre 30 000 et

40 000 euros.


Sans surprise, les auteurs qui possèdent une autre activité sont majoritairement ceux qui ne perçoivent pas plus de 20 000 euros de CA en 2020, dont 75 % moins de 5000 euros. À noter cependant que la moitié des auteurs qui ne font qu’écrire ne perçoit pas plus de 5000 euros sur l’année. Néanmoins, ces individus ont publié leur premier livre depuis moins de 6 mois.

Est-ce que les auteurs autoédités interrogés ont déjà signé dans leur vie un contrat avec un éditeur à compte d’éditeur ?


60 % ont répondu « non », contre 40 %. Néanmoins, quand on observe les tops des ventes, force est de constater que dans la tranche de 30 000 à 75 000 euros, 6 auteurs n’ont jamais signé de contrat, contre 3 qui l’ont déjà fait.

Les 3 auteurs entre 75 000 et 150 000 euros en ont signé, mais celui dépassant les 200 000 euros ne s’est jamais intéressé à la question. Ces chiffres mettent en évidence que les AE ne cherchent pas spécialement de contrats d’édition, ou ne s’y réfugient pas nécessairement après une mauvaise expérience. Certains auteurs interrogés ont même révélé que travailler avec un éditeur ne les intéressait absolument pas. Conserver leur autonomie leur tient à cœur.


L’autoédition est bien un nouveau modèle économique vers lequel se tournent les auteurs par choix, et non par dépit. De plus en plus d’auteurs quittent d’ailleurs leur maison d’édition pour l’AE, comme Joël Dicker (avec 735 000 exemplaires vendus en 2020[9]) en ce début 2021. D’autres conservent leurs droits numériques, également dans un souci de gagner plus, comme l’a fait Samantha Bailly en 2018. Selon Librinova, en 2018, un livre sur cinq enregistré au dépôt légal est un livre autoédité, contre seulement 10 % en 2010. La pratique est croissante et continue d’augmenter[10].


Dans quels genres publient les auteurs interrogés ?


Il s’avère que les auteurs AE aiment publier dans plusieurs genres.

  • La fantasy-SF-fantastique est un genre pratiqué par au moins 52,3 % des auteurs de l’enquête

  • La romance ou la comédie romantique : 30 %

  • Le thriller/policier : 15,38 %

  • La littérature blanche : 10 %

  • L’historique : 9,2 %

  • Les biographies, l’horreur, les romans jeunesse (moins de 12/13 ans), la poésie, le développement personnel ou encore les recueils de nouvelles : entre 3 à 4 %

Malheureusement, les chiffres peuvent être induits par un biais de l’étude : publiant moi-même de la fantasy, et dans une certaine mesure des comédies romantiques, il est probable que ces chiffres représentent davantage mon réseau qu’un vrai panorama des publications des AE.


De nombreux auteurs se frottent aussi bien à la romance qu’au thriller et à la fantasy, même si les cocktails romance/fantasy (22,3 %) et thriller/fantasy (8,46 %) sont les plus communs.


20 % des auteurs interrogés n’écrivent toutefois que de la fantasy, alors que 12,3 % ne publient que de la romance (avec parfois des romans érotiques).


L’ancienneté peut-elle jouer ?


Nous l’avons vu plus haut, 80 auteurs ayant participé à l’enquête publiaient déjà en 2019. Ils ont tous continué en 2020.


Sans interprétation plus poussée, on pourrait croire que tous les auteurs ont amélioré leurs revenus. Or, c’est faux. 53,75 % sont restés dans la même tranche de revenus ; 8,75 % ont vu leurs revenus diminuer et 37,70 % augmenter. Nous retiendrons ces 30 derniers auteurs sous l’appellation de « groupe A » afin de mieux cerner la cause de cette évolution. Notons tout de même que parmi ces 30 auteurs, 12 n’avaient pas un an d’autoédition, dont 6 moins de 6 mois. En revanche, les 7 auteurs dont le CA a diminué en 2020 par rapport à 2019 possédaient déjà tous au minimum un an d’expérience.


De plus, si on observe les auteurs qui ont commencé à publier en 2020, certains atteignaient déjà les 10 000 à 20 000 euros dans les 8 mois d’autoédition.


Le temps ne semble donc pas être un facteur décisif sur le fait de percer ou non dans l’AE, même s’il aide à bien s’implanter au sein d’une communauté de lecteurs. Nous y reviendrons.


Nombre de titres publiés


Un autre facteur, en lien avec le temps d’une certaine façon, serait le nombre de titres différents publiés. Est-ce que les revenus varient en fonction du nombre de titres que possède un auteur et sa régularité de publication ?


En 2019, la grande majorité des auteurs qui touchent moins de 500 euros n’ont publié qu’un livre (52,94 %), voire deux ou trois (23,53 % et 14,71 % des auteurs de cette tranche de revenus). Le résultat est assez similaire pour la tranche 501 à 5000 euros, bien que davantage d’auteurs aient publié de 2 à 5 romans.


En revanche, on observe là encore de grandes disparités. Ainsi, un auteur ne touche pas plus de 500 euros avec, pourtant, 17 romans publiés à son actif. La question sous-jacente serait de savoir depuis combien de temps ces livres sont dans le circuit. De même, un autre auteur en a 26 à son actif, pour un CA entre 501 et 5000 euros.


Qu’en est-il des gros revenus ? Il semblerait que nous ayons des auteurs à « best-seller », qui n’ont qu’un livre à leur actif pour la tranche de 30 000 à 40 000 euros, mais aussi pour ceux atteignant 50 000 à 75 000 euros. Les autres cumulent entre 6 et 18 livres à leur actif, l’auteur gagnant entre 100 000 et 150 000 euros ayant publié 15 livres.


La tendance est sensiblement la même en 2020. Néanmoins, la comparaison des deux années permet de mettre en évidence le nombre de publications en l’espace d’un an. Ainsi, nos deux auteurs qui avaient publié 17 et 26 romans en 2019 se retrouvent réciproquement avec 23 (+6 livres) et 28 livres (+2). Ces auteurs continuent donc à publier, mais peut-être ne bénéficient-ils que des revenus des livres en cours de publication. La durée de vie moyenne d’un livre est courte : dans l’édition traditionnelle, on l’estime à 2 ans, mais tout va plus vite au niveau du numérique, réduisant parfois l’échelle à quelques mois.


Quant à notre auteur qui passe à un CA de plus de 200 000 euros, il a ajouté 20 titres à son palmarès, passant de 15 à 35 livres.


Néanmoins, il serait faux de croire que la multiplicité des titres assure forcément l’augmentation des revenus. Certes, elle le favorise : parmi les auteurs qui ont augmenté leurs revenus, 93,33 % ont publié de 1 à 20 nouveaux titres. Parmi ceux qui ont touché moins qu’en 2019, 14,29 % n’ont pas proposé de nouveaux titres, tandis que les autres ont publié entre 1 et 2 titres. Quant à ceux qui restent dans leur tranche de revenus, 25,58 % n’ont pas proposé d’autres titres, et 48,83 % en ont proposé entre 1 et 2. Un auteur a même proposé 11 titres en plus en 2020, sans parvenir à dépasser le seuil des 500 à 5000 euros. Après enquête complémentaire, ces titres ne sont pas des romans, mais des carnets pratiques, leur tarif est donc plus bas que les romans parus précédemment chez le même auteur.


Enfin, en 2020, 46,92 % des auteurs touchant moins de 5000 euros ont 3 titres ou moins à leur actif. Les tops des ventes se répartissent de la sorte :


Répartition des meilleurs CA en fonction du nombre de titres publiés en 2020

Exemple de lecture (pour le chiffre surligné en rouge) : 1 auteur ayant entre 40 001 et 50 000 euros de CA sur l’année a publié 7 livres en 2020.


Le nombre de titres, et surtout leur nouveauté, favorise un meilleur CA, mais d’autres auteurs s’en sortent avec peu de titres.


Influence du nombre de livres vendus


Dans ce cas, peut-on penser que le revenu est relatif au nombre de livres vendus pour un seul titre ? Comment les AE s’en sortent-ils en la matière ?


Aucun de nos AE n’atteint le top des ventes des auteurs traditionnels : 565 200 exemplaires vendus pour « La jeune fille et la nuit » de Musso ; 384 700 exemplaires pour Michel Houellebecq avec « Sérotonine », et même « Passions » de Nicolas Sarkozy avec 190 500 exemplaires, le tout pour 2019[11]. Néanmoins, nous l’avons vu, ces auteurs font office d’exceptions dans le paysage littéraire.


La moyenne des ventes observées dans l’édition traditionnelle se situe entre 500 et 800 exemplaires par titre[12]. Librinova estime que dépasser les 500 exemplaires est un très bon résultat. 5 à 6 % de leurs auteurs atteignent un minimum de 1000 ventes et expliquent que leur best-seller AE a été vendu à près de 10 000 exemplaires en bénéficiant de leur programme d’agent littéraire[13].


Qu’en est-il des auteurs de cette enquête ?


Nombre d’exemplaires vendus du meilleur livre de chaque auteur


Si on se réfère aux critères de Librinova, 51,18 % des AE de l’enquête atteignent de très bons résultats, puisqu’ils dépassent la barre des 500 exemplaires vendus. 46,45 % des AE de l’étude font mieux que la moyenne de l’édition traditionnelle. 18 auteurs dépassent même les 10 000 exemplaires pour un titre, soit 14,17 % de l’échantillon. Autant dire que les AE savent assurer leurs ventes et par conséquent, la promotion de leurs livres. Notons toutefois que les AE vendent majoritairement en format numérique tandis que l’édition traditionnelle se concentre encore majoritairement sur le papier. Il n’en revient pas moins que les AE arrivent à mobiliser un grand nombre de lecteurs pour leurs titres.


Intéressons-nous à un autre point : est-ce que ceux qui vendent le plus d’exemplaires sont ceux dont les revenus sont les plus élevés ?


Forcément, on observe une corrélation entre nombre de livres vendus et revenus. Ainsi, en 2020, 46,92 % des auteurs de l’échantillon qui ont un revenu inférieur à 5000 euros atteignent moins de 500 ventes pour leur meilleur titre.


Néanmoins, certains auteurs vendent bien sans pour autant bénéficier d’un haut CA. À la manière du best-seller de Librinova (avec entre 10 000 et 20 000 exemplaires vendus), deux auteurs n’engrangent qu’entre 10 000 et 20 000 euros, tandis qu’un troisième engrange moins de 5000 euros. De la même manière, un autre auteur, dont le CA se situe entre 10 000 et 20 000 euros, a pourtant vendu entre 22 000 et 35 000 exemplaires.


Inversement, l’auteur qui a vendu près de 60 000 exemplaires n’est pas celui ayant atteint plus de 200 000 euros de CA (qui se situe tout de même dans le groupe précédent, entre 22 000 et 35 000 ventes), mais dans ceux ayant entre 50 000 et 70 000 euros de CA.


Récapitulatif en tableau


L’ancienneté du livre qui a fait le plus de ventes pourrait expliquer ces différences, notamment si le succès a été ponctuel et ne s’est pas reflété sur les autres livres.


Toutefois, un autre facteur nous semble plus déterminant : celui du prix du livre vendu. Si on ne s’intéresse qu’au livre numérique, celui-ci varie généralement à la sortie entre 0,99 euro (la stratégie de l’auteur est alors de multiplier les ventes, pour vite monter dans le classement des plateformes de ventes comme Amazon, et acquérir de la visibilité) à 5,99 euros (voire plus).


Faisons un petit calcul pour les auteurs E et F.